Articles de iroise16
Léonie B.
Léonie, épouse du peintre François-Auguste Biard, participe à l'expédition scientifique Gaimard au Spitzberg en dépit du fait qu'une femme ne peut en principe être admise à bord d'un bâtiment de la marine nationale. Outre sa beauté, sa jeunesse, c'est ce qui fascinera Victor Hugo lorsqu'ils se rencontreront (une rencontre arrrangée pourrait-on dire). Ils deviennent amants. Hugo a déjà une maîtresse : Juliette qui l'adore. Il est dûment marié à Adèle qui le trompe avec Sainte-Beuve, et il perd sa fille chérie Léopoldine dans les circonstances que tout le monde connaît. Convaincue d'adultère, Léonie va purger une peine de six mois à la prison Saint-Lazare, puis chez les Augustines, au couvent. Cela n'a pas coûté à Hugo sa nomination à la Chambre des pairs, mais un poste de ministre, malgré toute l'indulgence que voue Louis-Philippe au grand homme. J'ai lu ce roman au style enlevé, d'un trait, très intéressée par les concordances de quelques épisodes de la vie quotidienne de Victor Hugo à cette époque avec quelques protagonistes des Misérables. Jusqu'à ce que je parvienne à l'épilogue suivi d'une note de l'auteur que je transcris en partie :
"Pour sonder la pensée du grand Victor Hugo, pour percer ses silences ou éclairer ses doutes, il a fallu plonger au plus profond de ses textes. J'ai fouillé ses récits autobiographiques, exhumé les morceaux de sa vie fictionnée qu'il avait parsemés dans tel ou tel roman, dans tel ou tel poème. Je connais mon Hugo depuis le temps que je le fréquente […] Tout est parti de Hugo. Tout s'achève avec lui. Je ne suis qu'un passeur doué d'imagination car une fois de plus dans ce roman tout est vrai, ou presque…"
Auteur du Dictionnaire amoureux de Victor Hugo (Plon, 2023), Sébastien Spitzer est administrateur de la Société des Amis de Victor Hugo.
L'ananas Victoria
Faire pousser un ananas chez soi est un jeu d'enfant (presque)
Au mois de mai 2024, j'ai choisi un ananas Victoria de Madagascar, non pour la quantité de fruit à déguster (c'était bien peu), mais pour l'aspect de ses feuilles. La couronne était parfaite, sans flétrissures. J'ai coupé à la base, détaché une à une les petites feuilles et après avoir dégagé deux bons centimètres de tige, j'ai laissé tremper dans l'eau d'un récipient en verre à col évasé. Quand des racines sont apparues, j'ai transplanté dans un terreau de rempotage. Et voilà le résultat en ce début octobre 2024. Voyez le cœur : un nouvel ananas se formera au bout d'une nouvelle tige. Croisons les doigts pour qu'elle apparaisse bientôt. Pour l'instant, la plante supporte la température extérieure, je la rentrerai aux premiers frimas… A suivre
La séduction Une passion française
Robert Muchembled, professeur honoraire des universités de Paris, signe aux Belles Lettres un essai passionnant sur le jeu de séduction entre les sexes et les milieux sociaux à partir du règne de François Ier jusqu'à nos jours. Femme fatale opposée à l'épouse chaste et obéissante, mythe de la Parisienne, contraste entre amours au village et amours à la ville, hauts et bas en matière de misogynie, selon les époques, tout cela apparaît au travers des œuvres littéraires, des films, des BD pour repérer les théories et les pratiques.
J'ai savouré les pages sur les aventures des présidents successifs de notre République qui n'avaient rien à envier à Louis XV. Qui fut le "roi des séducteurs", je vous le demande…
Pour être plus personnelle, j'ai aimé l'évocation de l'adolescence "contrôlée" des plus âgés d'entre nous. Surprise et intéressée par l'évocation de la vie des instituteurs et institutrices sous la férule du Code Soleil, leur code moral professionnel, du nom d'un chef de bureau qui a rédigé cet opuscule resté figé de 1923 à 1979. Le métier était conçu comme un apostolat. Je cite : "Le maître devenait le guide intellectuel, moral et social de la colectivité qui l'entoure. Il lui fallait donc être irréprochable dans sa tenue, son comportement public, sa vie privée, celle-ci étant l'illustration de la leçon de morale ou de civisme qu'il donne à l'école. L'institutrice devait plus encore se contrôler, car tout écart de sa part alimenterait les mauvaises langues. Elle avait droit (quand même) à une vie privée, à condition d'éviter les fréquentations douteuses et de ne pas se mêler le samedi soir aux filles de son âge pour aller au bal, mais de rester sagement derrière sa fenêtre pour regarder les malheureuses partir se perdre dans de tels divertissements." ( p. 287)
L'auteur a évité de rédiger un ouvrage didactique corseté dans un appareil de notes, ce qui rend le livre parfaitement accessible à un large public de curieux et curieuses de tous âges férus d'histoire et d'authenticité. Il n'hésite pas à illustrer concrètement le propos avec sa propre généalogie et sa propre expérience de vie. En qualité de lectrice, je n'hésite pas à avouer que je n'ai pas été une pure adepte du Code Soleil dans toutes ses composantes (je pense au bal du samedi soir…), mais que j'ai toujours théoriquement et pratiquement considéré que le métier d'enseignant(e) n'est pas tout à fait un métier comme les autres.
Bravo au parcours professionnel de Robert Muchembled qui, parti d'un milieu modeste, a franchi toutes les étapes et obstacles pour accéder aux plus hauts grades universitaires et produit plus de trente ouvrages.
