Quoi qu'il en soit, à cette époque, ce vaste chantier était complètement abandonné. L'herbe y croissait, épaisse et drue
en beaucoup d'endroits, rare et pelée en beaucoup d'autres où broutaient deux ou trois chèvres. Parmi ces herbes, tapis charmants pour le ébats printanniers, plancher facile aux rom s enfantines, croissaient en abondance toutes ces plantes parasites qui poussent n'importe où et entre n'importe quoi, la folle avoine, la bardane, les
chardons et la laitue que les anciens appelaient la viande des morts, parce qu'elle croît en effet très-volontiers dans les cimetières.
L'été, c'était un endroit charmant, à peine clos, où, pendant le jour, venaient s'ébattre comme des moineaux-francs, des nuées de gamins tapageurs, et où l'on voyait « Bien des couples rêveurs qui le soir, à la brune, Se baisaient sur la bouche en regardant la lune". » II y a peut-être des gens qui s'imaginent qu'on ne sait pas aimer, pas être jeune,pas être beau dans ce plébéien quartier Saint-Marceau : L'ubi amor, la patrie des coeurs est partout, sous toutes les zones, sous toutes les latitudes, sous tous les costumes. Le pays où l'on s'aime pour recueillir des enfants, ce pays adoré est tout coin de terre où il y a un brin de soleil, un brin de verdure, un brin de jeunesse et un brin de beauté.La chanson de Mignon est d'une mélancolie et d'une poésie touchantes « Connais-tu la terre où les citronniers fleurissent Kellnst du das Land wo die
citronen bluhen ? où, dans leur sombre feuillage, mûrissent les oranges dorées? »