[ …] Ayant plus spécifiquement étudié les oeuvres philosophiques de La Mettrie, et en particulier son rôle de précurseur pour ce que nous appelons aujourd'hui la sexologie, voire la théorie sexuelle freudienne (la question des remords), ce fut un grand plaisir de découvrir la querelle à laquelle "Le Chirurgien converti" appartient, de même que l'ère médicale de l'époque. Aussi, la toile biographique que vous tracez tout au long du livre est, à ma connaissance, la plus complète qu'il nous soit aujourd'hui possible de rencontrer. Les références sont "béton" et j'admire qu'enfin une auteure nous fasse voir l'un des aspects qui ait, semble-t-il, le plus dérangé ses ennemis, je parle de sa gaieté de coeur et de son enthousiasme naturel. Mon propre sentiment me porte à croire que La Mettrie devait bénéficier d'une nature particulièrement expressive, si heureuse et expansive que plusieurs qui l'entouraient alors, davantage portés au "consensus social" et aux préjugés qu'il implique, pouvaient certainement ou lui envier, ou lui reprocher. Sinon, je m'explique très mal la réaction de philosophes tels que Diderot et sa bande.
Remarquez qu'ils ont réservé exactement le même sort à Rousseau qui, si l'on en croit ses propres Confessions, était lui aussi doté d'une nature expansive particulièrement intense. Je ne veux pas dire que La Mettrie et Rousseau se ressemblaient, loin de là mon intention! Mais la façon dont ils ont été mis au ban par les Diderot, les Voltaire, etc., permet de supposer que les deux à leur façon, La Mettrie et Rousseau, ont eu l'effet sur ces messieurs d'un agacement qui dépassait les bornes, et qu'il convenait d'étouffer et de refouler de l'Histoire. Malgré la paranoïa que l'on prête à Rousseau, lorsque celui-ci s'interroge sérieusement si l'avenir pourra le connaître tel qu'il était, tant la cabale des philosophes actuels tente de le rayer ou de le salir, il me rappelle bien entendu La Mettrie, qui semblait se poser ce genre de questions aussi […]
Voici une citation de Wihlelm Reich (1897-1957) sur La Mettrie, proposée et traduite par Olivier Côté. Elle provient d'un texte, The Emotional Plague, qui a été inséré à la fin du livre de l'auteur, Character Analysis. Ci-contre l'original en Anglais.
C'est là un problème important car la peste émotionnelle a réussi encore et encore, à l'aide de telles rumeurs, à ravager des accomplissements honnêtes et importants. La lutte contre la peste émotionnelle est donc une nécessité sociale, puisque celle-ci cause plus de dommages que des milliers de canons. Voir, par exemple, la façon dont Friedrich Lange présente les diffamations dont le scientifique naturaliste pionnier du dix-huitième siècle, La Mettrie, aura été la victime. Dans son grand ouvrage, "Histoire Naturelle de l'Âme", La Mettrie avait clairement compris les relations essentielles entre la perception et les stimuli physiologiques, tout comme il avait correctement deviné et décrit les liens entre le problème corps-âme et le processus sexuel biologique. C'en était trop au goût des Philistins, dont le nombre excédait de beaucoup celui des chercheurs honnêtes et courageux, alors ils répandirent le bruit que La Mettrie avait pu en arriver à ses idées seulement parce qu'il était un « libertin ». Ainsi la rumeur voulant que La Mettrie, en vrai voluptueux, serait mort d'avoir trop goulûment mangé d'un pâté, passa sans peine à la postérité. Évidemment, tout cela relève du non-sens médical. Encore pire, il s'agit d'un exemple typique de calomnie pestiférée qui, lorsqu'elle tombe entre les mains d'organismes inaptes au plaisir, devient une réaction spécifique de la peste émotionnelle passant à la postérité pour diffamer un nom respectable. Nous connaissons trop bien le rôle catastrophique que tiennent ce genre de réactions pestiférées dans la vie sociale.
The matter is important because the emotional plague has succeeded again and again, by means of such rumors, in crushing honest nd important accomplishments. The fight against the emotional plague is socially necessary, for it causes more damage in this world than “ten thousands canons.” Read, for example, Friedrich Lange’s account of the defamations to which the pioneer natural scientist of the eighteenth century, de la Mettrie, was subjected by the emotional plague. In his great work "Histoire Naturelle de l’Ame", de la Mettrie clearly grasped the essential relations between perception and physiological stimuli and correctly divined and described the connection between the body-soul problem and the biological sexual process. This was too much for the Philistines, who far outnumber bold and honest scientists; they circulated the rumor that de la Mettrie was able to arrive at such views only because he was a “libertine.” And thus the rumor was passed on to posterity that de la Mettrie died from a pastry which, in true voluptuary fashion, he had consumed too voraciously. This of course is medical nonsense. More than that, it is a typical example of plague-afflicted rumor-mongering which, when seized upon by human organisms incapable of pleasure, becomes a specific plague reaction and is passed on to posterity, defiling, without rhyme or reason, a decent name. We readily recognize the catastrophic role played by such plague reactions in social life.