Le comte de Caylus. Pour l'amour des arts

Un homme de bonne compagnie, un peu facétieux

Si je me suis intéressée à ce « gentilhomme universel » (selon René Godenne), ce n’est pas pour porter un jugement sur l’œuvre artistique et le rôle indéniable du comte de Caylus, mais pour conter l’histoire d’une passion, l'histoire d’un homme libre.
Passionné, Caylus, le fut au point de tout sacrifier à son amour de l’Art, de l’Antiquité et des antiquités. C’était un bon graveur, ami de Watteau, qui popularisa les dessins des maîtres, un fervent collectionneur, doublé d’un mécène généreux, renommé dans toute l’Europe.

Ci-contre : buste par Vassé

Buste

Mesdames de*** qui ne manquaient pas un office… (inédit)

De mon encens je vous offre l’hommage,
C’est un plat de notre métier.
Mais l’encens de notre village
Doit vous paraître un peu grossier.

Si vous chantez à Vêpres quelque psaume,
Je pense voir des anges dans ce lieu ;
Mais entendant ces anges louer Dieu,
Je sens trop bien que je ne suis qu’un homme.

Hier au soir, malgré mes soins,
Par un malheur, on oublia Complie,
Qu’arriva-t-il ? On ne disait pas moins :
Ce sont des femmes à complies.

Pour terminer vos dévotes parties
Un salut je vous dirai bien.
Mais avec saintes si jolies,

Veut-on répondre du mien ?

Extrait de la préface

…] Libre, l’auteur du Recueil d'Antiquités le fut assez pour ne pas suivre la voie que ses origines nobiliaires lui traçaient, assez pour s’intéresser non seulement aux artistes mais au peuple qui l’inspira lorsque, quittant le crayon et le burin, il se mêlait de prendre la plume pour s’exercer à autre chose que le dessin et la gravure. Libre, il le fut toute sa vie par sa distance vis-à-vis des événements politiques – qui, cependant, servent de toile de fond à cet ouvrage – et jusque dans la mort en refusant les services imposés par la religion dont il avait perçu toute l’hypocrisie dès sa prime jeunesse.
Dans une excellente biographie (Essai sur le comte de Caylus. L’homme. L’artiste, Paris, Hachette, 1889), Samuel Rocheblave ne s’était pas contenté de montrer comment et pourquoi le comte de Caylus a laissé une trace légitime dans l’histoire de l’art et de l’archéologie au XVIIIe siècle, il a prouvé que l’homme vaut encore mieux que sa renommée. Cet  essai que l’on pourrait considérer comme définitif car l’auteur avait mené une enquête des plus approfondies a éveillé ma curiosité. À mon tour, j'ai mené une recherche sérieuse, sans occulter la subjectivité car je ne me prétends pas spécialiste dans tel ou tel des nombreux domaines où Caylus a exercé ses compétences. J'essaie de saisir la réalité de ce personnage qui, sans renier l’ordre social de son temps, ne fut ni un homme de pouvoir ni un homme d’intrigue. Bien que le cadre historique soit suffisamment évocateur, je ne retrace pas l’histoire de l’ancienne société française dans son ensemble, mais bien celle d’une personnalité particulière.
   Peut-être, le lecteur aura-t-il envie d’aller plus loin dans la connaissance de la vie et de l’œuvre du comte de Caylus, au gré de ses centres d’intérêt personnels : archéologie, gravure, salons de conversation au XVIIIe siècle, guerres de Louis XIV et de Louis XV, autant de sujets ébauchés et  stimulants. 
  En attendant, je lui propose de passer un moment en compagnie d’un graveur et antiquaire amoureux des arts, d’un esprit rationnel, d’un homme amoureux de l’amour, aux nombreuses conquêtes féminines, mais qui resta célibataire en demeurant fidèle à ses ami(e)s, fidèle à lui-même.

Caylus

Table des matières et extrait

I. Mère et fils V. L'artiste et l'amateur
II. Horizons antiques VI. La passion de l'archéologie
III. Influences décisives VII. Jusqu'au dernier jour
IV. La vie de société  

 

Caylus écrivit la Vie de Watteau et prononça un éloge à l'Académe le 3 février 1748. Il ne s'y contenta pas d'évoquer le talent de Watteau qui avait si largement éclipsé son maître Claude Gillot que celui-ci avait quitté la peinture pour le dessin et la gravure à l'eau forte. Il laissa transparaître son émotion à l'évocation discrète de cet heureux temps où lui-même commençait à exercer sa pointe à graver en reproduisant les œuvres de son ami.

 "Les années Watteau" in Influences décisives, p. 55.

Ci-contre : le monument à Watteau (Jardin du Luxembourg). Le comte de Caylus était un ami et mécène du peintre.

Documents

Roche aux feesCi-dessus, Vues et plans de la Roche-aux-Fées d'Essé. Planche CXXIII du Recueil d'antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et romaines (1756) de Anne-Claude de Caylus.

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Urne dite du comte de Caylus (Louvre, Ma 1376).jpg (Wikipedia commons)

Antic roman urn in porphyry reused by the comte de Caylus (1692-1765) for his grave in the church of Saint-Germain l'Auxerrois (Paris). He completed it with a modern top curved in a block of antic porphyry. Louvre museum (Paris, France).

Il a dit :

Il y a trois sortes de collectionneurs : ceux-ci achètent des tableaux pour les avoir ; ceux-là, pour que les autres ne les aient pas ; les troisièmes, pour en jouir et en faire jouir. (Louis La Caze, Le comte de Caylus, p. 118)

 

On pardonne bien le merveilleux à Homère, à Virgile et aux autres poètes quelconques. Est-il plus sage de supposer des dieux passionnés, divisés, inconstants, injustes et cruels que de supposer des enchanteurs et des fées qui ont ces mêmes vues ? (Caylus, Plaidoyer pour les contes de fées, p. 92.)

Date de dernière mise à jour : 19/08/2023