Le chat de La Fontaine

Vu par Taine dans son essai sur les fables de La Fontaine

Chat de la fontaineLa fontaine et ses fables 51381 264 432Le chat est l'hypocrite de religion, comme le renard est l'hypocrite de cour. Il est «velouté, marqueté, longue queue, une humble contenance, un modeste regard, et pourtant l'œil luisant.» (VI, 5.).Tout le monde reconnaît le maintien dévot de la prudente bête. Elle marche pieusement, posant avec précaution le pied, sans faire bruit, les yeux demi-fermés, observant tout, sans avoir l'air de rien regarder. On dirait Tartufe portant des reliques. Si vous vous asseyez, elle vient tourner autour de vous, d'un mouvement souple et mesuré, avec un petit grondement flatteur, sans rien demander ouvertementcomme le chien, mais d'un air à la fois patelin et réservé. Sitôt qu'elle tient le morceau, elle s'en va, elle n'a plus besoin de vous. Mais jamais ce doucet n'a l'air meilleure personne que lorsqu'il a gagné de l'âge et de l'embonpoint.Il se tient alors pendant tout le jour au soleil, ou près du feu, enveloppé dans sa majesté fourrée, sans s'émouvoir de rien, grave, et de temps en temps passant la patte sur sa moustache avec la mine sérieuse d'un penseur. Vous le prendriez pour un docteur allemand, le plus inoffensif et le plus bienveillant des hommes, si quelquefois ses lèvres, qui se relèvent, ne laissaient voir deux rangées blanches de dents aiguës comme une scie, et le menton fuyant du plus déterminé menteur. Aussi, quoi qu'il fasse, il est toujours composé, maître de soi. Il n'avance la patte qu'avec réflexion ; il ne la pose qu'en essayant le chemin ; il ne hasarde jamais « sa sage et discrète personne». Il est propret, dédaigneux, méticuleux, et dans tous ses mouvements adroit au miracle. Pour s'en faire une idée, il faut l'avoir vu se promener d'un air aisé, sans rien remuer, sur une table encombrée de couteaux, de verres, de bouteilles, ou écouter ces vers de La Fontaine : Raton avec sa patte D'une manière délicate Ecarte un peu la cendre, et retire les doigts, Puis les reporte à plusieurs fois, Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque.(ix, 17.) Il est rare que Bertrand les croque, et Raton d'ordinaire n'est pas une dupe, mais un fripon.

Le chat d'Emile Zola

Tel est le titre que j'avais donné à mon essai de 2016 dédié à mon mari qui a tant aimé  les chats. Zola choyait les siens dans la vraie vie et leur avait réservé une place importante dans son œuvre.

(RE) DÉCOUVREZ ce livre que l'on peut encore se procurer aux Éditions du 81, une maison qui a racheté le stock de La Tour verte (édition d'origine

 

Zola

Quant à La Fontaine…

Ne manquez pas le chapitre que je lui réserve dans mon dernier ouvrage ! Chamfort en était un grand admirateur et avait gagné le prix de l'Académie  de Marseille en écrivant son Éloge.

Une fable que j'aime particulièrement…

LE COCHET (1), LE CHAT ET LE SOURICEAU

Un souriceau tout jeune, et qui n'avait rien vu, (2)
            Fut presque pris au dépourvu. 
Voici comme il conta l'aventure à sa mère. 
J'avais franchi les monts qui bornent cet État 
            Et trottais comme un jeune Rat
            Qui cherche à se donner carrière,(3)
Lorsque deux animaux m'ont arrêté les yeux ;
            L'un doux, bénin et gracieux, 
Et l'autre turbulent et plein d'inquiétude.
            Il a la voix perçante et rude ; 
            Sur la tête un morceau de chair, 
Une sorte de bras dont il s'élève en l'air,
            Comme pour prendre sa volée ;
            La queue en panache étalée.
Or c'était un Cochet dont notre Souriceau
            Fit à sa Mère le tableau, 
Comme d'un animal venu de l'Amérique. 
Il se battait,dit-il, les flancs avec ses bras, 
            Faisant tel bruit et tel fracas, 
Que moi, qui grâce aux Dieux de courage me pique, (4)
            En ai pris la fuite de peur, 
            Le maudissant de très bon coeur. 
            Sans lui j'aurais fait connaissance 
Avec cet Animal qui m'a semblé si doux. 
            Il est velouté comme nous, 
Marqueté, longue queue, une humble contenance, 
Un modeste regard, et pourtant l'oeil luisant : 
            Je le crois fort sympathisant 
Avec Messieurs les rats ; car il a des oreilles 
            En figure aux nôtres pareilles. 
Je l'allais aborder, quand d'un son plein d'éclat 
            L'autre m'a fait prendre la fuite. 
 Mon fils, dit la souris, ce doucet (5) est un Chat, 
            Qui sous son minois hypocrite, 
            Contre toute ta parenté 
            D'un malin vouloir est porté. 
            L'autre animal tout au contraire, 
            Bien éloigné de nous malfaire, (6)
Servira quelque jour peut-être à nos repas. 
Quant au chat, c'est sur nous qu'il fonde sa cuisine.(7)
            Garde-toi, tant que tu vivras,
            De juger des gens sur la mine. 


 

Source de la fable : l'italien Verdizzotti essentiellement.

Chamfort écrit dans Les Trois Fabulistes : "Voici encore une de ces fables qui peuvent passer pour un chef-d'oeuvre [...] Pas un mot de trop dans toute la fable, et pas une seule négligence.

(1) petit coq
(2) qui n'avait aucune expérience de la vie
(3) au XVIIème, ce mot désigne un trajet, un parcours
(4) me vante
(5) diminutif de doux, avec une nuance de niaiserie et d'hypocrisie
(6) faire du mal
(7) qu'il se base pour trouver de quoi vivre

le cochet, le chat et le souriceau, Auguste Dellierre (coll. musée)

Aquarelle d'Auguste Delierre (1829-1891)
© Musée Jean de La Fontaine
(cliquer pour agrandir)

Page empruntée au site du musée de Château-Thierry. Heureuse d'y retrouver une citation de Chamfort !

J'ai dû présenter cette fable à mes élèves deux ou trois fois au cours de ma carrière…

 

Date de dernière mise à jour : 11/11/2025