Littérature

La Voyageuse de nuit, Françoise Chandernagor, 2008

V chandernagorFrançoise Chandernagor, dans son roman La Voyageuse de nuit, publié en 2008, compose une œuvre captivante qui allie profondeur psychologique et réflexion poignante sur la vieillesse et la fin de vie.

L'auteur plonge ses lecteurs dans l'intimité familiale d'une vieille dame, autrefois, femme au foyer dynamique qui a consacré sa vie à éduquer ses quatre filles. Chandernagor dépeint avec une sensibilité rare les pensées et émotions de cette mère et de ses filles. La figure maternelle, soutenue par ses enfants, se bat pour conserver sa dignité et son identité, dans un monde où les personnes malades et âgées sont parfois reléguées au second plan.

Ce qui rend la lecture de La Voyageuse de nuit particulièrement palpitante, c'est l'écriture élégante et raffinée de Chandernagor. Chaque phrase ciselée avec soin, chaque mot choisi avec précision témoignent dune maîtrise littéraire qui rend avec brio l'atmosphère familiale et la qualité des liens humains. Les descriptions, d'une esthétique mélancolique, capturent à la fois la fragilité et la résilience de la mère et de ses quatre filles, toutes héroïnes de l'oeuvre.

Le roman se distingue également par l'importance qu'il accorde à la sororité et la figure maternelle. Chandernagor explore avec profondeur les énergies familiales, les souvenirs partagés et l'amour maternel qui unit ces femmes malgré les épreuves. L'amour inconditionnel et la solidarité entre ces cinq femmes constituent le cœur battant du récit et apportent une dimension émotionnelle profonde, à valeur universelle.

Chandernagor tisse habilement des références culturelles, historiques et régionales ce qui ajoute des couleurs supplémentaires à chaque personnage. Cette érudition, loin d'alourdir le récit, l'éclaire et l'enrichit.

La Voyageuse de nuit est un hommage touchant à la femme, à la malade qui lutte, à la vieillesse, à la condition humaine et à la puissance des liens familiaux. Jamais, Chandernagor ne sombre ni dans le pathos ni dans la complaisance. Elle aborde avec lucidité et humanité les défis de la maladie et du vieillissement, mais elle célèbre surtout la force intérieure et la dignité de ses personnages.

La Voyageuse de nuit, œuvre remarquable, souligne encore une fois, le talent exceptionnel de Françoise Chandernagor. Ce roman invite à la réflexion, à l'empathie, à la lucidité, à la conscience de la finitude humaine et reste longtemps inscrit dans la mémoire du lecteur.
Voilà une belle et agréable lecture, indispensable à quiconque s'intéresse aux questions de la vie, de la mort, de la maladie, de l'amour maternel et de la solidarité familiale...

Dans les oiseaux

Bec corbeauDans les oiseaux de Xavier Lapeyroux (éd. Anne Carrière)

Le titre est un peu déroutant pour ceux qui ne connaisssent pas Hitchcock (mais en existe-t-il ?)

Et si l'on pouvait changer la réalité en changeant la fiction ? Milan, spécialiste d'Hitchcock, donne des cours à l'école de cinéma, la Femis. La fiction est-elle plus terrifiante que la réalité ? Il se pose beaucoup de questions depuis le décès de Suzanne, sa dernière compagne, qui a été tuée par une attaque de corbeaux. Ceux-ci s'abattent par nuées sur Paris… Pour quelle raison, par quel hasard ? Suzanne ressemble à l'héroïne du film Les oiseaux. Le hasard existe-t-il ? Inconsolable, Milan va s'évertuer à rembobiner en quelque sorte le film jusqu'au point de basculement où Suzanne meurt et s'il peut empêcher cette mort… Oui, il faut le suivre dans ses fantasmagories, et son stratagème pour reconstituer le scénario dans la réalité : ce n'est pas évident, même si l'on apprécie le fantastique. Mais si l'on a aimé le film d'Hitchcock vu (et revu), on tourne les pages jusqu'au bout. Si l'on aime les oiseaux et les corvidés en particulier, c'est une autre paire de manches, l'auteur ne semble pas bien les connaître. Un roman à conseiller  ? Je ne m'y hasarderai pas.

La mélancolie des corbeaux

De Sébastien Rutès (4ème de couverture)

Au parc Montsouris, le long des pentes de la voie ferrée désaffectée, Karka le Corbeau freux vit en ermite dans un arbre. Dédaigneux des Pies bavardes et des Canards cancaniers, ses voisins, il coule des jours mélancoliques à contempler le passage des nuages et la vie sur les rives du bassin, depuis qu'autrefois son aile fut brisée par un Epervier. Aux questions amères que lui inspire son destin il ne trouve pas d'autres réponses que celles que lui dicte l'instinct, dont il ne se satisfait guère. Animal marginal, il ressasse en solitaire sa nostalgie des forêts jusqu'au jour où les Mouettes colportent au parc la rumeur de la disparition des bêtes du bois de Boulogne et que Krarok, le Grand Corbeau du Conseil des animaux de Paris, se résout enfin à le faire mander, après toutes ces années. Dans la charpente de Notre-Dame, où Krarok tient audience sous l'Aigle mystique de saint Jean, ont lieu les retrouvailles et la révélation : des Lions rôderaient dans les bois de Paris ! Avant qu'ils ne s'en prennent aux Humains, Karka, l'ancien messager oublié des conseillers, doit mener l'enquête avec une Tourterelle imbue de sa blancheur, une séduisante Corneille et un fantasque Toucan qu'il a libéré de sa cage...

Avec Mélancolie des corbeaux, son premier roman à paraître dans la collection "Actes noirs", Sébastien Rutés compose une variation étrange et envoûtante sur le roman d'investigation, à mi-chemin entre la fable animalière et le conte philosophique.

Biographie : Maître de conférences, Sébastien Rutés enseigne la littérature latino-américaine. Spécialiste des genres, il a publié de nombreux articles universitaires sur le roman policier hispano-américain et un essai consacré au Mexicain Paco Ignacio Taibo II. Il est l'auteur de plusieurs nouvelles, en espagnol et en français, et de deux romans publiés aux éditions L'Atinoir : Le Linceul du vieux monde (2008) et La Loi de l'Ouest (2009).

 

"Le maître des esprits", Robert de Laroche

Robert de larocheCe polar a la saveur des nouvelles fantastiques « Manières noires » que Robert de Laroche a publiées en 2009. Mais « Le Maître des esprits » offre bien plus que cela. Le lecteur découvre Venise au temps dit des « Lumières » dans ses aspects à la fois les plus étincelants et les plus sombres. Le comte Flavio Foscarini, grand amateur de mystère, mène l’enquête à ses risques et périls, avec l’aide d’Assin, sa chère épouse, et de Gasparo, un jeune écrivain désargenté. Il goûte le repos auprès de ses chats, Francesco et Mafalda,  qui ne font pas seulement partie du décor… Pour notre plus grand plaisir, Robert de Laroche fait savamment se côtoyer des personnages ayant réellement existé (Madame d’Urfé, Moncrif, Rosalba Carriera, Gasparo Gozzi, etc.) et  des personnages sortis de son imaginaire foisonnant (à commencer par ce Mage malfaisant qui prétend communiquer avec les esprits).

Sa parfaite connaissance de la Sérénissime entraîne le lecteur dans un roman haletant où l’on ne serait pas loin de partager la peur des Vénitiens sur lesquels s’abattent  de mystérieux et terribles événements, sans une certaine dose d’humour propre à tempérer l’horreur de quelques scènes. Laissons-nous emporter au-delà de notre quotidien par ce deuxième opus  en compagnie de Flavio Foscarini  — qui ressemble étrangement à l’auteur.

Photo : Robert de Laroche lors de la Rencontre- signature du 30  septembre 2023  à la librairie parisienne " Fontaine Villiers".